mercredi 14 février 2024

La vie familiale dans une ferme

 Souvenirs évoqués par l’auteur de ce blog, un enfant de la rubrique « Famille 6 Wilmotte - Remy »

Je ne pourrais écrire ce texte sans d’abord remercier mes parents du plus profond de mon cœur. Pour ce qu’ils ont fait, pour ce que je suis, pour ce que j’essaye d’être.

Ils sont d’un passé pas si lointain, au cœur des Ardennes, dans ce petit village de Brisy qui, au milieu du 20ème siècle, fonctionne presque en autonomie.


Brisy n° 13 Photo de 1965

Le monde agricole, avec de rares tracteurs à cette époque, se suffit à peu près à lui-même. 

Seul un commerçant de textiles et de produits d’entretien du nom de « Brisy » (même nom que le village) vient régulièrement approvisionner les fermes chaque mois ou quinzaine. Il énumère en wallon et à grande vitesse le contenu de sa camionnette Citroën type H et la ménagère l’arrête quand elle souhaite faire un achat pour un article déterminé. Je l’entends encore « slip po hommes, po femmes, po èfants. Ventrin, cote di nut etc… »

Il y a aussi Monsieur Massenge (ancien professeur de gymnastique) qui vit à Stavelot avec ses 2 tantes. Il quitte son domicile à vélo par tous les temps. Sous la pluie, couvert d’un caban vert qui englobe aussi le guidon et le porte bagage avant de son vélo, il est grisé par ses énergiques coups de pédales. On le voit généralement le mardi, il est à la fois photographe, horloger, chocolatier et colporteur de nouvelles entre villages. Seules quelques fermes ont le privilège de sa visite, ses habitués avec lesquels il troque ses prestations contre menue monnaie et quelques aliments de la ferme.


èLa Terre par Daniel Lavoie

L’EAU

L’eau alimentaire est seulement arrivée dans les habitations en 1955. Avant cela, les puits personnels actionnés manuellement par le grand levier d’une pompe fournissent l’eau de chaque habitation. 

Parfois, un mécanisme plus ancien actionné par une manivelle solidaire d’un tambour sur lequel est enroulé une corde, permet de remonter un seau que l’on a descendu dans le puits et auquel est attachée cette corde.  

Le jeune bétail est aussi abreuvé par les seaux d'eau pompés au puits familial. Quant aux vaches, elles sont détachées matin et soir dans les étables pour aller boire à l'une des fontaines situées soit au nord, soit au sud du village. Ces vaches connaissent le chemin pour aller se désaltérer et ensuite, rentrer au bercail. Mais parfois, quelques copinages de voisinage aidant, certaines coquines retournent ailleurs ! Leur "manigance" est vite repérée à l'étable par le fermier concerné qui renvoie sa visiteuse à son domicile. 

La chienne "Lisette" de nos voisins Jules et Nacia Gromersch accompagne son troupeau en passant par la ruelle derrière la ferme. Avec elle, pas question de fausser compagnie et d'aller se mêler à un autre groupe ! Elle connaît toutes ses vaches et quand elle donne le signal de retour aux retardataires, il faut suivre illico ! Les récalcitrantes connaissent son petit coup de dents au jarret ! 

Au début de mon existence, je me souviens encore d’être allé au lavoir de Brisy. J’avais accompagné maman et découvert ce lieu où les femmes du village venaient laver le linge dans l’eau de ce magnifique bac en pierre placé à ras du sol. Que vous pouvez voir à la rubrique « Constructions anciennes »è  https://brisyancetres.blogspot.com/search/label/Constructions%20anciennes

Par la suite, nous avons acquis une lessiveuse motorisée avec un axe vertical  se terminant par 3 ou 4  barres qui mélangeaient alternativement le linge. Quel progrès extraordinaire pour la lessive ! Cette machine était entièrement fabriquée en métal. La cuve en cuivre était supportée par une fonderie de fonte dans laquelle on faisait du feu de bois pour chauffer l’eau de la lessive.

Le modèle présenté n'est pas équipé du kit de motorisation électrique.

Mes grands parents avaient une lessiveuse plus ancienne fabriquée en bois, on devait préalablement chauffer l’eau.

LE PAIN


Le pétrin, fabriqué en planches d’épicéas (500 x 1050 x h300) par le menuisier local (Jules Octave), est utilisé plus d’une fois par mois. Pour préparer la pâte du pain, le pétrin est posé sur deux chaises dans une pièce appelée chambre (living au 21 ème siècle). La farine, la levure, le sel et l’eau y sont pétris longuement par les mains de maman. Quelle force était la sienne pour soulever et malaxer cette masse de pâte de près de 20 kgs !

Les sept ou huit gros pains de 2 kg sont ensuite déposés dans un four métallique recouvert intérieurement de briques réfractaires préalablement chauffées avec des fagots de branches ramassées durant l’hiver dans des coupes d’épicéas.

Exemplaire dessiné suivant mémoire de mon enfance.

Après cuisson, les pains sont descendus dans la cave pour être préservés dans un garde manger grillagé pour les protéger des souris, rats et insectes.


Pour obtenir un fagot, on amasse des branches séchées dans une fagoteuse portable. Celle-ci comprime les branches par un levier à double articulation muni d’un blocage en position fermée (trois positions de fermeture). Ensuite, le cerclage du fagot est effectué avec un fil d’acier. Je pense que, dans un passé plus lointain, on utilisait une liane de jeune feuillu pour cercler le fagot.

Exemplaire dessiné suivant mémoire de mon enfance.

LA VIANDE


Le cochon tué chaque année nourrit la famille. Ses saucissons suspendus dans ma chambre à coucher y sèchent pendant des semaines. Quand ils sont bien secs, j’y découpe de façon presque invisible, de petites rondelles que je déguste en cachette. Mais, cette tricherie modérée est aisément acceptée par mes parents.


Quant aux jambons, ils séjournent dans la cheminée pendant des semaines. Dans cette dernière, une ouverture était spécialement prévue au niveau du grenier. Quel régal d’en manger de petites tranches aux goûts fumés et salés ! Introuvables de nos jours !



LES OEUFS

Un autre souvenir ; les œufs que l’on emballe dans du papier journal à une date déterminée de l’année, à une période proche de celle où les poules ne pondent presque plus (septembre ?). Ainsi, les œufs se conservent dans un endroit sec.


LE LAIT

 

La traite des vaches est encore manuelle chez mes parents. Plusieurs fois, j’ai essayé pour me rendre compte que c’est une tâche bien difficile et qu’il faut beaucoup de forces dans les poignets pour arriver à remplir un seau de 10 litres de lait. 

60 ans plus tard j'essaye encore !



Il est bien plus facile d’envoyer un jet de lait de la mamelle dans la gueule du chat qui se régale.

Ecrémeuse Mélotte

Nous disposions d’une écrémeuse Mélotte qui séparait la crème du lait. Ce lait écrémé est destiné aux veaux et aux cochons. Pour actionner cette machine non motorisée, je devais parfois tourner à la manivelle. Travail bien ardu ! La crème était vendue à la laiterie coopérative de Steinbach dans des cruches de 20 litres fabriquées en acier galvanisé et emportées par camion une à deux fois par semaine. Puis, la laiterie a repris le lait non écrémé ; les veaux et cochons étaient alors alimentés avec du lait en poudre.



Le courageux Narcisse Lamboray de Montleban, chauffeur de la laiterie, devait chaque jour charger et décharger un nombre impressionnant de cruches sans aucune aide mécanique.

LE BEURRE

Baratte

A profusion sur nos tartines, le sirop de pommes et de poires se joignait au beurre fabriqué dans une baratte rotative (fabriquée avec des planches de bois) dont la manivelle devait parfois être actionnée par mes petits bras.  





LES LEGUMES



Les conserves stockées dans de grands bocaux en verre sont stérilisées dans une grande cuve munie d’un long thermomètre en sa partie centrale. Cette cuve cuisait sur la cuisinière chauffée au bois.



L’ALIMENTAIRE

Les produits alimentaires autres que ceux de la ferme sont achetés chez Deline, nom de la gestionnaire de ce petit magasin situé à proximité de l’église de Sommerain (village voisin) 

LA MOISSON

Les céréales sont coupées avec une faucheuse lieuse tirée par 2 chevaux. Elle ficelle automatiquement les gerbes qui sont ensuite disposées verticalement en groupes de trois ou plus, jusqu'à treize suivant la denrée. Elles sèchent une dizaine de jours sous le soleil avant d’être amenées dans les granges.



Il faut préalablement ouvrir le terrain pour pouvoir passer avec la faucheuse lieuse, sans écraser la précieuse récolte. Tout le contour du terrain est fauché manuellement avec une faux sur une largeur de machine. Les gerbes sont ensuite confectionnées et liées. Pour mieux vivre un de ces moments, je vous invite à lire : è L' anecdote n°24



Quelques fermiers, dont mes grands parents, possèdent une batteuse actionnée par un gros moteur électrique. Le battage s’effectue en hiver dans la grange, il a pour action de séparer le grain de la paille. A cette époque, il n’est déjà plus question de battre au fléau. Mais que de poussières !

Pour d’autres fermiers, un entrepreneur de battage (Pirson de Rettigny), passait de ferme en ferme et de village en village. Je m’imagine encore cette batteuse entraînée par courroie à partir du volant moteur d’un gros tracteur Lanz d’une quarantaine de chevaux dont la couleur bleue d’origine était au fil des années devenue noire comme la suie.

Pour assurer un bon rendement à cette machine, 4 hommes étaient nécessaires. La conception de cette batteuse n’a pu éviter à un fermier (Emile Mathieu) de se faire arracher la jambe en 1953. Il était au-dessus de la machine, au poste de chargement et il a introduit son pied dans l’ouverture pour pousser des gerbes bloquées qui n’avaient pas été absorbées par le mécanisme.


Le docteur Célestin Noël de Gouvy est arrivé en urgence. Pour désincarcérer Emile, l’arbre de la machine a du être découpé au chalumeau. Pendant cette longue attente il devait respirer de l’éther pour atténuer sa souffrance. Le malheureux fut transporté à l’hôpital de Bastogne sur le siège arrière de la Mercedes du Dr (immatriculée 126.048), avec sa jambe en lambeau posée sur le dossier du siège avant. Il a survécu à cet accident, mais sa jambe a dû être coupée.




LA FENAISON

En cours de gestation………………

èVerte campagne par Compagnons de la chanson

RUDES HIVERS

Je me souviens encore de l’hiver 1954. J’ai 4 ans, je ne suis ni grand ni lourd, mais j’arrive à marcher sur la neige dont l’épaisseur est de l’ordre de 50 cm. Quel plaisir de me sentir ainsi surélevé du sol dans mes petites bottes et comme porté par magie sur un nuage de neige !

En 1960, j'arrive à Gouvy par le train en provenance de Trois-Ponts. Je rentre de l'internat de l'école St Remacle à Stavelot. Je vois Marie Chisogne qui est venue me chercher à la gare avec sa jeep Willys. La route en sortie de Vaux vers Brisy est très enneigée, un vent violent génère rapidement d'importantes congères. Marie accélère et lance sa jeep à toute vitesse dans les congères, puis recule pour reprendre de l’élan et fonce de nouveau en lieu et place des précédentes traces, toujours plus loin à chaque fois. Je pense qu’elle savoure ces moments de bravoure au volant de son bolide. Y a-t-il eu, ce jour là, d’autres écoliers du village qui ont aussi pu profiter de ce moyen de transport pour rentrer de l’école ? Je ne m’en souviens plus.

Quelques années plus tard, lors d’une tempête de neige, Paul Remy et moi, descendons du bus Liège-Athus au Chera un vendredi soir. Il faut rentrer à Brisy, mais il n’y a personne ce soir pour nous transporter. Nous allons marcher, chacun avec une valise. La route est enneigée, mais dégagée et sans circulation jusqu’à Sommerain et même jusqu’à Sol Hache, lieu-dit situé entre Sommerain et Brisy. Mais pour poursuivre vers Brisy, la route est couverte de neige, le vent souffle fort et les flocons giflent nos visages. Nous ouvrons chacun notre valise pour y prendre un drap de lit et nous couvrir. Nous avançons avec la connaissance routière de notre mémoire, camouflés comme des fantômes, mais parfois enfoncés dans la neige des fossés ou dans les barbelés des clôtures à peine encore visibles. Quelle épopée !

Willy Lodomez de Cherain dégage les routes avec son camion rouge Scania Vabis L76 que j’ai découvert pendant l’hiver 1956-1957. Il tire un lourd chasse-neige articulé en forme de V et, en un passage, déblaye la totalité de la route. Le problème avec se système apparaît lors du dégagement des carrefours et lors du croisement avec d’autres véhicules (heureusement très rares à cette époque, voire inexistants en ces périodes hivernales). Un mécanisme de coulisse compose le renfort central et doit être actionné manuellement pour permettre l’ouverture du chasse-neige.

Exemplaire dessiné suivant mémoire de mon enfance.

Selon les informations que j’ai pu récolter, dans les années proches de 1950, le dégagement des voies routières est effectué avec un chasse-neige en V du même type mais tiré par trois chevaux accompagnés de trois hommes opérateurs. Ces derniers peuvent se tenir sur une plateforme centrale  et, sans doute par leur poids, modifier la trajectoire en cas de difficultés.  

UNE IDEE DE LUMIERE

 

Nos parents, surchargés de travail, trouvent difficilement du temps libre à consacrer à leurs enfants. Je suis heureusement très choyé par maman, je suis son petit cœur. Papa essaye de trouver quelques heures certains dimanches pour me faire découvrir les environs proches de Brisy. Une de ses initiatives m’a particulièrement marqué et a probablement influencé mon orientation de vie.

Exemplaire dessiné suivant mémoire de mon enfance.

Je suis alors âgé d’environ cinq ans. Près du pont de Brisy en direction de Cetturu, un petit ruisseau se jette dans l’Ourthe et devient le lieu d’une merveilleuse découverte. Papa me propose de réaliser un petit moulin à eau sur le ruisseau, je suis ravi. Il ne dispose que d’un gros canif et de cartes (d’un jeu de cartes). Nous cherchons les bois nécessaires à cette réalisation, puis il taille, il coupe et réalise des fissures dans certains bois. Tout est alors assemblé, coincé sans colle ni ficelle. Et ça tourne, 4 pales sont actionnées par le déplacement de l’eau ! Je suis émerveillé par ce dispositif qui génère de la force quand je veux bloquer l’arbre. C’est pour moi un moteur à eau !

En écrivant ce texte, une question importante me vient à l’esprit. Ai-je moi-même consacré suffisamment de temps à faire découvrir de pareilles choses à mes enfants ? Vous qui me lisez, pensez-y. 

DE L’ENFANCE A L’ADOLESCENCE 

En ce temps là, on ne ferme pas souvent les portes à clef. Les petits fripons en profitent. C’est ainsi qu’un jour, mes parents découvrent en rentrant de la traite, un feu sur le sol devant la cuisinière. Des débris de journaux en tas s’y consument. A l’issue d’une petite enquête locale, il s’avère que notre très jeune voisin Célestin a faussé compagnie à ses parents et est venu s’amuser à faire un feu, tenté par les allumettes découvertes à proximité. Plus de peur que de mal !


Ma petite voisine Ninie est ravie d’avoir à proximité de chez elle le tout jeune Charles. Il a 4 ans de moins qu’elle. Elle s’en occupe comme une petite maman et ça lui plait à ce petit garçon à qui il manque une grande sœur ! Elle le promène, lui pose des questions sur ce qu’il sait et l’informe de ce qu’il ne sait pas, telle la personnalité de St Nicolas. C’est avec elle qu’il apprend à compter jusqu’à 5. Mais, quand il subit la dure réalité de l’école primaire, elle disparaît de sa vie pour entrer à l’internat. Pour en savoir plus, lire la rubrique : Anecdote n°5 è  Être écolier à Brisy en 1957.  

è Prendre un enfant par la main 

A l’étable, il y a des nids d’hirondelles. Je suis dans les bras de maman et je demande à caresser une jeune hirondelle que je vois dans son nid. Elle m’explique que ce n’est pas bien, car la maman hirondelle refusera de nourrir son oisillon imprégné d’une odeur étrangère. J’insiste tellement que maman cède et prend cette petite hirondelle dans sa main, je la caresse et subitement elle s’effondre comme terrassée par une immense peur et elle meurt. Une grande tristesse m’envahit. Jamais plus je ne toucherai à un oisillon.

Enfant, j’étais très curieux. Il y avait en moi une soif de découverte et de savoir. C’est pourquoi j’aimais aller fouiner dans des lieus inconnus remplis de mystères. Un jour, ma tante Ernestine m’a repéré dans le hangar à proximité de la maison de Léon Bihain « Que fais tu là, Charles ? "Euh.. rien". Je n’étais pas fier et, pourtant, je voulais juste regarder et pouvoir m’émerveiller. Penaud, j’ai repris la route sur mon petit vélo. Nous n’avions pas conscience du danger !

Une autre fois, ça s’est mal terminé. Je suis allé examiner l’étage du hangar Collignon situé à Drogny. Pour y monter, pas facile, mais pour en descendre, un fil barbelé me déchire la jambe sur 15 cm au dessus du genou droit. Maman travaille dans un champ à moins de 100 mètres, je marche difficilement pour arriver jusqu’à elle. "Trois jours au lit sans bouger dit le docteur". J’en ai gardé une fameuse cicatrice.


Cette malheureuse expérience n’a que temporairement calmé mes ardeurs de découverte d’espion fouineur. Plus tard, avec Alphonse Mossoux et d’autres, il nous arrive de marauder les fraises de Michel Reis. D’autres jardins sont mieux défendus et trop visibles. Cette maison à l'extrémité du village nous intrigue. Que peut-il y avoir de magique dans le grenier ? Avec Alphonse, nous trouvons la solution pour y accéder par le lanterneau de la toiture arrière. A l’aide d’une échelle nous arrivons sur le toit, puis nous entamons une prudente ascension de sioux sur les ardoises. Je me laisse alors descendre par cette ouverture non verrouillée pour me retrouver sur le sol du grenier dans une ambiance de film de sorcières. Il n’y a que des toiles d’araignées. Chaque déplacement  génère une levée de poussière. La visite se termine rapidement, les explorateurs n’ont rien découvert.


Anecdote 26 : Vacciné contre le tabagisme par une pipe !

Ai-je 7 ans et déjà une pipe que je tiens entre mes lèvres ? Quand un adulte petit cousin (Jean Wilmotte) me demande «vousse dol toubac ?» (veux-tu du tabac ?), je réponds positivement et je bourre ma pipe avec du tabac de la Semois. Il l'allume, j’aspire fort et ça se consume, youppie. Mais la pipe est un jouet en plastique qui fond sous l’action de la chaleur. Ainsi, je fume un amalgame de tabac et de plastique. Bien vite, je me sens mal, ma tête tourne, je suis malade, je vomis. La conclusion de cette histoire est que jamais plus, je n’ai touché au tabac ni aux cigarettes et que je suis dérangé par l’odeur des gens qui fument. Cette mauvaise action d’un adulte m’a préservé d’un fléau.


Un jour, en arrivant à vélo chez mon parrain et oncle Fernand, j’aperçois le jeune Joseph Jacqmin sortir de sa maison et s’encourir avec une assiette de bonne viande. Ses frères Louis et Alphonse le poursuivent. On doit partager ! Mais Joseph est rusé et court déjà vite. Quand il s’arrête enfin, il rit a gorge déployée du bon tour joué à ses frères. Il a tout mangé !



Nous avons fabriqué plusieurs arcs à flèches, de plus en plus performants. Mais la qualité des flèches laisse à désirer. Paul découvre que des baleines de parapluie peuvent être utilisées. Avec cette nouvelle munition, il ajuste son tir sur les fesses d’un cochon qui est en prairie. Et surprise, elle y reste plantée ! La poursuite est alors engagée pour récupérer la baleine de parapluie.


LES SORTIES

Lors de ma première sortie, j’avais juste moins de 16 ans. C’était à la salle de Courtil en compagnie de  Paul Remy. Ce jour là, il m’a filé un bon tuyau pour me lancer sur la piste avec une jolie demoiselle. Merci grand !

èVous permettez Monsieur ...

Le jour où, sans être de connivence, nous sommes entrés dans la salle de Vaux lez Rosières avec le même costume vendu par le magasin Briol de Gouvy, je pense que Paul n’appréciait pas trop cette situation !

è La drague


Nous ne sommes pas des piliers de comptoir. Mais il est arrivé une fois avec Alphonse Mossoux, que de retour la nuit, entre Cherain et Brisy, chacun sur notre vélomoteur Honda C310, nous roulons en parallèle et sans comprendre comment ni pourquoi  nos vélomoteurs se rapprochent indépendamment de notre volonté. Nous ne pouvons rien y faire, puis oh miracle ! Ils s’écartent et ainsi de suite sur tout le trajet ! Avez-vous une explication ?

QUI FAIT QUOI ?

Les travaux des champs, ainsi que l’approvisionnement et l’entretien des bovins, sont réservés aux hommes. Pourtant, beaucoup de femmes y apportent souvent leur aide en plus du ménage. Par exemple pour la traite manuelle ou automatique et la pointe de travail lors de la fenaison et bien plus encore ! A ce sujet, j’ai entendu un fermier de Brisy dire : «Certains hommes auraient difficile de suivre Marie (ma maman) qui décharge un char de foin ! »


La production de légumes de notre jardin est aussi une des nombreuses tâches de maman. Jamais, je n’ai vu un homme bêcher un jardin dans ce village ; je pense qu’il aurait été hué. 

LA MECANISATION AGRICOLE

Les chars à foin fabriqués en bois avec de grandes roues cerclées d’une couronne métallique ont une double fonction, le transport de foin et le transport de troncs d’arbres. Pour le transport du bois, les ridelles sont alors enlevées.

Les grandes roues arrières réduisent l’effort de traction et augmentent la capacité de freinage. Une manivelle disposée à l’arrière du char (côté gauche) peut être actionnée par le convoyeur ; elle entraîne le déplacement de 2 sabots avec patin qui frottent contre la bande de roulement (cerclage en acier) de chaque roue arrière et provoque le ralentissement ou l’arrêt. Sans ce moyen de freinage, dans les descentes, les chevaux seraient emportés par la charge. A l’avant, les roues sont plus petites et montées sur un essieu rigide pivotant sur un plateau horizontal par rapport à un axe vertical. Le petit diamètre des roues avant leur permet de se glisser partiellement sous le char pour permettre un meilleur braquage.

Durant les années 1950, les chars fabriqués en bois sont remplacés par des chars dont la structure est en métal. Ils sont équipés de roues pneumatiques et de freins à tambours récupérés sur des camions qui sont à la ferraille. Le châssis est fabriqué par le maréchal-ferrant de la localité.

En septembre 1952, le premier tracteur arrive à Brisy chez Joseph Guillaume. Chez nous, c’est seulement en 1962 que je vois arriver notre tracteur MAN. J’avais onze ans et on m’a laissé le choix entre ce modèle de tracteur et un David Brown pour prendre la place de notre courageuse jument « Bichette ». Je dois hélas me séparer d’elle.

Quelquefois, étant petit garçon, mon papa m’envoyait la chercher dans la prairie pour la ramener à l’écurie. J’ouvrais la barrière et je lui demandais alors de venir près de la clôture pour que je puisse grimper sur son dos et chevaucher calmement jusqu’à la ferme. Elle connaissait tous les chemins. Quel chagrin pour un gamin de 12 ans de perdre un animal aimé !


Anecdote 27 : Au temps où on prenait son temps, le cheval semble décider des arrêts conversations.

 Sur la route du travail, il aime  s’arrêter en présence de potentiels interlocuteurs. Le fermier papote alors et échange qq mots sur le temps, la situation et les nouvelles du jour. Puis hop, on redémarre. Cette pause est créatrice de bien être et de réflexions. 

Les labours sont effectués par un brabant (charrue réversible) tiré par un ou deux chevaux. C’est le successeur des anciennes charrues mono soc d’un passé plus éloigné et bien moins aisées à utiliser. Le premier tracteur de Brisy arrive en 1952, c’est un International Farmall super A, il dispose d’un relevage mécanique permettant d’actionner alternativement deux socs de charrue placés à l’arrière du tracteur (soc gauche et soc droit). Le second tracteur du village, un Ferguson TE-H20 immatriculé en 1954, est équipé d’un relevage 3 points. « Ferguson est la première marque de tracteur à pouvoir disposer d’un relevage hydraulique depuis l’année 1936 sur le Ferguson type A ».

Les nouveaux tracteurs sont tous équipés du relevage 3 points. Aussi, les fermiers font modifier leur brabant à traction chevaline pour les adapter au relevage de leur tracteur. Ces transformations sont effectuées par les maréchaux-ferrants des villages voisins qui, perdant une partie de leur clientèle de ferrage de chevaux, se reconvertissent pour adapter les charrues, herses, chars et autres engins agricoles aux tracteurs de plus en plus nombreux.

Mais les années passent si vite ! Papa arrête la ferme et vend le tracteur à un fermier de Fays Sprimont Denis Pirotton. On ne me laisse pas la possibilité de le garder.

Une vingtaine d’années plus tard, je cherche ce tracteur MAN qui a été de nouveau vendu, On m’oriente vers « Lierneux ». Il n’est pas là et je poursuis mes recherches. Pendant 15 jours, je passe à Sprimont devant chez Desmidt où un tracteur MAN partiellement repeint en rouge trône dans la cour. A vendre ! Il ressemble au nôtre qui lui, était vert. Après avoir retrouvé le n° de série que j’avais précieusement conservé, quels ne furent pas mon étonnement et mon bonheur de découvrir que c’était LUI. J’ai pu l’acheter immédiatement fin juillet 1999. Depuis, il n’est pas resté seul et en a attiré deux autres qui séjournent dans mon hangar à Xhoris.

DE LA BICYCLETTE A L’AUTOMOBILE

Petit gamin, avec maman nous allons à Tavigny chez mes oncles et tantes. Le chemin me semble long sur mon petit siège fixé sur le porte bagage. Je crains deux passages difficiles : le pont de Brisy construit avec des perches d’épicéas. On voit la rivière entre les perches et cela me fait peur. Ensuite, le tournant dit dangereux en montant vers Cetturu. Maman doit longer le rocher car j’ai peur de tomber dans le ravin. Plus tard, sur mon propre petit vélo j’accompagne maman et je ne suis toujours pas rassuré. Voir rubrique  è  Pont sur l'Ourthe

NB : J’avais bien raison de craindre ce dangereux virage à 90° sans visibilité, car quelques années plus tard, Albert Didier de Buret dévale dans ce ravin avec sa grosse voiture américaine qui rebondit d’arbuste en arbuste pour plonger dans l’Ourthe. Saisi par l’eau froide, il s’en sort miraculeusement presque indemneC’est un cheval qui dépanne en tirant l'épave pour remonter le courant de l’Ourthe jusqu’au pont de Brisy.

Comme pour beaucoup d’enfants, mon premier vélo est équipé de stabilisateurs. Les vélos 2 roues avec frein torpédo et sans changement de vitesses se sont ensuite succédés. Les crevaisons sont fréquentes et les premières réparations bien difficiles, car les clés de démontage utilisées dans la précipitation, font de nouveaux trous dans la chambre à air.


Pour mieux adhérer dans la boue, je monte un second pneu (dont des bandes de caoutchouc ont été découpées) sur celui de la roue arrière.

Pour imiter le bruit d’un moteur, plusieurs cartes (d’un jeu de cartes) sont maintenues par des pinces à linge sur les bras de la roue du vélo. Lors de la rotation de cette dernière, chaque rayon vient battre contre une carte et provoque du bruit, qui me semble génial !



Lors de la fenaison de l’été 1965, maman me demande d’aller aider son frère Narcisse dont les enfants sont encore trop jeunes pour les travaux agricoles. « Po nosse Narcisse disait-elle » (pour notre Narcisse). Donc, régulièrement je me rends à Tavigny en vélo. Un jour, je découvre un chevreuil à proximité du pont qui enjambe le ruisseau près du moulin Stilmant. En arrivant, j’informe directement mon oncle qui met à l’arrêt la merveilleuse sonorité de son tracteur Mc Cormick D-324. Avec l’Opel Olympia (type 1950), nous allons récupérer le chevreuil qui, tiré par un chasseur, a rendu son dernier souffle en sautant le ruisseau. Mon oncle est fils de chasseur, il sait dépecer un gibier. Aussi, le soir venu, je rentre à Brisy avec, sur mon porte bagage, quelques bons morceaux de chevreuil dont toute la famille se régalera.

Les engins motorisés me passionnent déjà. J’ai moins de 10 ans et papa me laisse quelques fois enfourcher son vélomoteur pour me laisser descendre dans la pelouse, moteur arrêté bien entendu ! Mais, j’ai vu comment mettre ce véhicule en mouvement dans une descente. Je tente ma chance et oui le moteur démarre ! Oh miracle, je roule et conduis pour la première fois une mobylette. Je prends la route en mettant des gaz, je traverse le carrefour du village et patatras je tombe en panne devant chez Lafalyze ! J’aperçois papa qui arrive en courant. Aie pour la réprimande ! J’abandonne le vélomoteur et je m’enfuis ! J’avais omis d’ouvrir le robinet d’essence, ça ne m’arrivera plus.

Comme raconté dans èl'anecdote n°23, âgé de 13 ans, je débute la fabrication d’un kart équipé d’un moteur CZ 150 cc. Je jubile en parcourant les routes du village au volant de ce terrible engin. Sur ces routes non goudronnées et la vitesse aidant quand je vire au milieu du carrefour, les poules mitraillées par de la grenaille courent chez elles toutes apeurées !

èMon terrible engin par Brigitte ......

Lors des entraînements pour le rallye de la gendarmerie, une Volvo Amazon descend à toute vitesse de Sommerain. Sur mon kart je négocie le virage à droite près de la Croix de Mission et nous nous apercevons ! Jamais, je n’ai vu une voiture ralentir aussi puissamment ! Quand nous nous sommes croisés, la voiture roule alors à pas d’homme. Le pilote et son copilote me regardent ébahis.


Les gens du village connaissent ma passion pour la mécanique. Joseph Bihain, propriétaire d’une moto Gillet latérale de 400 cc qui ne roule plus depuis des années, me la cède pour 50 FB. C’est avec cette moto que Joseph, dans son jeune temps, va courtiser Esther à Ronchampay. J’entreprends le nettoyage et le démontage pour la remettre en marche. Elle démarre et tourne à très bas régime. On peut presque distinguer les coups de piston. Je découvre les possibilités de l’avance à l’allumage, une merveille pour pétarader en réduisant rapidement l’avance après avoir lancé le moteur à plein régime. 



Gillet 400 latéral

Un dimanche, je décide de m’éclipser avec ma moto Gillet privée d’échappement. Je roule plus de 2km, jusqu’au lieu-dit Bistain (jusqu’à ce jour, je ne dépassais pas les alentours de la maison). Sur le chemin du retour, j’emprunte une portion de l’ancienne voie de Cetturu vers Brisy "Sol voie de Borgne Fontaine", un chemin assez tortueux. Un tas d’herbes séchées près d’une parcelle de bois me donne des idées : me lancer et y grimper ! Mais malgré les coups de gaz, la moto reste suspendue et je constate avoir mis le feu aux herbes. Pas moyen de l’éteindre ! La fumée s’échappe de l’intérieur du tas ! Il me faut de l’eau et je ne peux attirer l’attention de mes parents ! Je rentre chez moi, moteur arrêté dans la descente. J’emprunte la charrette à lait et 4 bidons que je remplis d’eau chez Michel Reis (dernière maison à la sortie du village), mais ça fume toujours pff… Pol Mossoux, fermier du village, se promène et me regarde faire. En souriant, il me dit « c’est l’tonè èt l’tracteûr qui fareût ! » (c’est le tonneau et le tracteur qu’il faudrait !). Je suis de son avis, mais cet engin n’est pas silencieux. Je vais plutôt chez moi chercher une houe pour creuser une large tranchée autour du tas. Quelle inquiétude durant la nuit ! Heureusement, tout s’est bien terminé !

Le chauffeur du marchand de vaches Adolphe Monfort me propose 500 FB pour cette moto. Vu la marge bénéficiaire (50 > 500), j’accepte et il la charge dans le camion avec des bestiaux. Trop tard, je me suis fait avoir ! Pour un petit billet de papier, j’ai perdu ma moto qui avait une grande valeur sentimentale.

Scooter Zündapp Bella

Ma moto Gillet est partie, mais il me reste le scooter Zündapp Bella de papa. Je l’emprunte en toute discrétion quand l’envie de rouler me vient et que mes parents sont allés traire. Avec une veste et un casque, je suis moins reconnaissable sur la moto en traversant le village. Ainsi, je roule jusqu’au « Päqui », lieu dit entre Brisy et Cherain. Personne n’a révélé ces déplacements à mes parents, mais m’ont-ils reconnu ou  ont-ils cru voir papa, accoutré comme d'habitude ?


Ford Perfect

René Bihain qui passe devant chez moi, emmène deux vaches au lieu dit « Al creux del burbuzette ». Il me demande d’aller chercher sa voiture pour ne pas revenir à pied. J’accepte avec plaisir car ainsi, je vais conduire ma première voiture. C’est une Ford Perfect. Hop sur mon vélo, je traverse le village pour aller prendre le volant, les clés sont sur le tableau de bord. Contact et vitesses, ça roule, c’est juste plus rapide qu’un tracteur …. Je prends de l’assurance et j’accélère en montant vers Sommerain. Je dois directement prendre à gauche après le virage de droite qui est bien négocié. Il y a un changement d’inclinaison à l’intersection de ces deux routes et la Ford Perfect n’aime pas ça. La voiture glisse de l’arrière, je contrebraque pour éviter le talus, mais c’est trop fort et trop tard. Me voici déjà dans l’autre talus ! Même opération de correction ! Cette voiture balance fort, roule presque sur deux roues, mais j’arrive à la garder sur la route. L’expérience du kart, ça paye ! Au loin, René se retourne et se dit probablement que ce n’était pas une bonne idée. Jamais plus, il ne m’a demandé de conduire sa voiture.

Fiat 600    767cc

J’ai 19 ans et mes parents acceptent de m'offrir une voiture. Ce sera bien plus commode pour rentrer de l’école chaque semaine. Je découvre et achète pour 30.000 BF une Fiat 600 d’occasion au garage Turin Motor sur le Bld d’Avroy à Liège. Avant de quitter le garage, on me demande si je sais conduire et on m’informe que je dois rapidement faire le plein d’essence. Dans la circulation liégeoise, je transpire sans arriver à comprendre pourquoi les automobilistes klaxonnent à mon égard. J’arrive enfin à la station située à droite après le pont de Fragnée. Mais ni la pompiste ni moi, ne trouvons l’ouverture du réservoir. Où est-il caché ? D’autres voitures arrivent et les conducteurs s’impatientent. Un monsieur sort de sa voiture et nous demande des explications sur ce blocage à la pompe. Il connaît la solution, il faut ouvrir le capot avant, c’est par là que l’on accède au réservoir. Par après, les coups de klaxons se sont réduits et la réponse au pourquoi m’est arrivée. Stressé par cette conduite en ville, je tenais si fermement le volant de mes deux mains qu’à chaque virage mon coude appuyait sur le klaxon situé au centre du volant !

L’ADMINISTRATION

Au 18ème siècle, Brisy est une commune à part entière avec son bourgmestre. Puis, Brisy fusionne avec d’autres villages pour former la commune de Cherain. Dans les années 1950, je me souviens que les habitants de Brisy avaient choisi leur représentant communal sans aucun vote. Mon papa a accepté cette fonction. Dans la législature suivante, il est devenu échevin des travaux lors d’élections officielles.

Le garde champêtre (policier local) a pour tâches de faire respecter la législation nationale et locale. En ce temps-là, le paysage est plus dégagé, les haies et buissons sont entretenus et pas question de laisser fleurir des plantes nocives dans les terrains (tels les chardons). Il n’y a pas de castors bûcherons et constructeurs de barrages qui ravagent les alentours des ruisseaux et rivières. Ces derniers doivent obligatoirement être dégagés de toutes entraves par le propriétaire du terrain. Ce garde champêtre (Simon Gerard), calme et observateur, ne ménage pas ses remarques sur un ton toujours uniforme. Il annonce alors sa prochaine visite de vérification dans une quinzaine de jours. Vous pouviez oublier d’obtempérer une fois, ensuite vous obteniez  un avertissement, puis peut être un procès ?

PRATIQUES RELIGIEUSES

A l’âge de 6 ans et sans avoir le choix, je suis réquisitionné comme enfant de chœur. Les coussins posés pour nos genoux sur l’escalier de l’autel sont rares et pas assez épais. La messe est dite en latin et je pense qu’après 4 ans de service, je suis maintenant capable de remplacer le prêtre pour une partie de la messe dans cette langue. La collecte est chaque fois un exercice qui demande une sérieuse concentration. Je débute par la rangée des hommes, mais quand j’arrive au fond de l’église, je me demande ce qu’ils vont encore inventer ? J’y suis attendu et il m’est bien difficile de garder mon sérieux ! Ce n’est pas de la monnaie, mais parfois des boutons de braguette qui sont arrachés devant moi (simulation) et déposés dans le réceptacle rectangulaire fixé au bout d’un long manche. Je dois alors reprendre mon sérieux avant d’arriver dans l’allée des dames. Celles du fond sont assez tolérantes, mais quand j’arrive au niveau des sièges de luxe qui sont rembourrés, visage de marbre obligatoire !

Dans ce monde rural catholique, papa voulait que je sois imprégné par cette religion. La majorité des agriculteurs dont ses frères votaient PSC, mais il trouvait que ce parti ne défendait pas assez les indépendants. Il votait PRL et je ne sais s’il se sentait en accord avec les idées de son grand oncle le chanoine Wilmotte ? Ce dernier, nommé par l’évêque Mgr Gravez de Namur avait lutté contre l’arrivée du libéralisme, doctrine présentée avant tout comme athée. (antirévisionnisme des années 1890-1893). Pour plus d'informations voir la rubrique è  Chanoine Wilmote

Chaque soir, papa exigeait que nous récitions avec lui des prières qui consistaient en « Je vous salue Marie … » et en « Notre père qui êtes aux cieux … ». Nous devions être agenouillés sur le sol (ça, pas bien pour les genoux), les coudes posés sur l’assise d’une chaise. Ces prières étaient pour moi une corvée. Jamais, il n’a été possible d’y échapper, la ruse et le refus n’étaient pas acceptés et pouvaient mener à des menaces de sévices corporels.

Aujourd’hui, je sais pourquoi je ne comprenais rien à ce catéchisme, à cet enseignement catholique mémorisé par obligation, totalement inadapté aux enfants. Comment un gosse peut-il comprendre et digérer la Trinité, la conception par le Saint Esprit et le Verbe qui se fait chair ?

Nous devions aller nous confesser au prêtre avant chaque fête religieuse. Jamais, le curé n’est arrivé à me faire bien comprendre, avec de vrais exemples, la distinction entre un péché véniel et un péché mortel. Etais-je donc si borné ? Bien souvent, je disais comprendre pour ne pas subir ses longs discours !

Mais sous l’obligation, que raconter (inventer) chaque fois en confession, à ce prêtre que je considérais à juste titre comme sournois ? Voir la rubrique "Dérive des intouchables"  èhttps://brisyancetres.blogspot.com/search/label/D%C3%A9rives%20des%20Intouchables

A l’âge de 14 ans, je décide de mettre fin à cette pesante pratique. Dans le confessionnal, j’ai simplement dit : «Je ne suis pas meilleur qu’un autre et je n’ai rien à vous dire ! ». Mais le curé de la paroisse est venu voir maman et lui a dit que j’étais un révolutionnaire. Elle m’a souri gentiment en me le racontant. Je sais qu’elle me comprenait et m’aimait.

LES TROIS GRANDS TRAVAUX  

Papa, tu étais courageux ! Aujourd’hui, je dirais même parfois trop. Tu n’avais pas une grande fibre mécanique, mais tu aimais entreprendre presque seul de grands travaux techniques de tout genre.

1. Quand tu as décidé de transformer le hangar accolé à la ferme, il a fallu réaliser une importante ouverture dans le mur du fenil, puis monter de nouveaux  murs et réaliser une dalle de béton avec des gravillons amenés depuis la rivière (Ourthe) avec le tombereau.   (Interdit de nos jours). La charpente du hangar a été fabriquée et mise en place par le charpentier, Jules Octave de Cherain. Ce dernier débitait manuellement à la scie et à la hache de gros troncs d’épicéas (il n’y avait pas de tronçonneuse à cette époque) que tu avais coupés au bois puis amenés le long de la route avec un chariot à grandes roues de fer tiré par Bichette. Lors des travaux, je m’étais aperçu que Jules, en cours de journée, déposait des morceaux de bois dans les sacoches de son vélo. Je ne trouvais pas cela normal et quand il ne regardait pas, j’allais en vider le contenu. Papa et maman m’ont alors expliqué l’accord qu’ils avaient avec Jules qui a alors de nouveau rempli les sacoches de son vélo.

2. Un autre de tes grands travaux a été de défricher un bois en pente de presque un hectare en utilisant un chevalet arrache souche fait maison. Il était composé de trois bois d’une longueur de 3m et de bonne section, disposés pour former un cône vertical  solidarisé en son sommet. A cet endroit, était accroché un treuil démultiplié qui arrachait la souche par l’intermédiaire d’une chaîne disposant à son extrémité d’une pince à trois crochets que l’on enfonçait dans la souche. Ce mécanisme était bien souvent insuffisant. Alors, tu avais obtenu une autorisation pour utiliser de la dynamite. Ah..ça m’amusait beaucoup d’aller me cacher pour voir exploser les souches ! Mais avant cela, il fallait forer un trou avec une tarière manuelle pour y placer le tube de dynamite. Sans foreuse électrique, c’est beaucoup moins amusant et surtout très épuisant !


3. Le transport des bois par la rivière au lieu dit Thaipierre ne serait plus autorisé de nos jours. Papa tu avais besoin de piquets en chêne pour les clôtures et de bois de chauffage. Nous avions une parcelle de bois dans laquelle, il y avait des chênes. Mais le seul accès était la rivière (Ourthe) pendant quelques centaines de mètres avant d’arriver à un chemin. Je ne sais comment tu t'y es pris pour placer près du chemin un arbre flottant à travers la rivière, non pas perpendiculairement, mais décalé angulairement. Ainsi depuis la parcelle de bois, tu mettais à l’eau et faisais flotter les bois découpés et fendus qui arrivaient contre le tronc et glissaient automatiquement vers le bord de la rivière pouvant ainsi être récupérés pour être transportés. J’ai bien mémorisé et apprécié ce spectacle d’époque.

LES CADEAUX

Meccano N°6


Saint Nicolas n’était pas des plus généreux. Par exemple, j’avais reçu précédemment un meccano N°4 et je souhaitais recevoir le N°7 qui était équipé d’un moteur électrique. Mais, papa a décidé de limiter le budget au Meccano N°6. Nous sommes allés au Grand Bazar de Liège et je suis rentré avec le N°6. Jamais je n’ai pu convaincre papa d’acheter mon jouet préféré. A Liège, j’ai pu voyager en tram place St Lambert, ça secoue fort.

Parfois, le portefeuille s’ouvrait presque sans limite. Quand à l’âge de 13 ans,  je lui ai expliqué que je souhaitais fabriquer un kart et que j’avais besoin d’un poste à souder et de différents composants, il a totalement adhéré à ma demande et s’est démené pour trouver avec moi ce que je souhaitais. Moins de 2 ans plus tard, le kart roulait. Voir anecdote 23 de la rubrique « Anecdotes » https://brisyancetres.blogspot.com/search/label/Anecdotes

LA COMMUNICATION ET L’INFORMATION

C’était un temps où il n’y avait pas d’Internet. La radio captait les émissions par un long fil boudiné placé à l’extérieur du bâtiment. Papa écoutait avec grand intérêt la journaliste « Geneviève Tabouis » qui, chaque midi, donnait son avis sur la politique mondiale. Il fallait alors faire silence. J’aimais aussi écouter son émission qui était captivante. Vous pouvez en visionner un extrait de cette époque :    èhttps://www.google.com/search?q=Genevi%C3%A8ve+Tabuis&oq=Genevi%C3%A8ve+Tabuis&gs_lcrp=EgZjaHJvbWUyBggAEEUYOTIJCAEQLhgNGIAEMgkIAhAAGA0YgAQyCAgDEAAYDRge0gEJODgzNGowajE1qAIAsAIA&sourceid=chrome&ie=UTF-8#fpstate=ive&vld=cid:a7085191,vid:IoUUF22uKXw,st:0

Première TV Noir et Blanc

La première TV en noir et blanc est arrivée chez Bihain ou Lafalize, dans les années 1955, le voisinage venait découvrir cette innovation en soirée. Pour capter les émissions télévisées, il fallait disposer d’une haute antenne fixée sur le toit et maintenue par quatre filins accrochés aux extrémités des corniches de l’habitation. L’antenne devait être orientée avec précision.



Lors des longues soirées d’hiver les fermiers allaient « à l’size » (aller à la soirée) chez l’un ou l’autre voisin du village. On y parlait des travaux des champs, du bétail et des histoires du village parfois bien cocasses. C’était aussi à ce moment que les hommes tressaient les cordes des ballots pour en faire des liens pour le bétail et que les femmes tricotaient ou raccommodaient les bas.

Les anciennes fermes et autres maisons d'habitation disposent souvent d'une pièce bien meublée et décorée de bibelots. C'est "la belle chambre" souvent occupée par une salle à manger et très rarement utilisée. Ce n'est pas un lieu où l'on se sent bien. C'est un endroit interdit aux enfants qui risqueraient d'y commettre quelque dégât. La « belle chambre » est rarement chauffée et on y ressent une ambiance froide, sans vie. Mais aux grandes occasions telles que baptêmes, communions, mariages ou autres festivités, la porte s'ouvre pour accueillir parenté et voisinage. L'ambiance s'y trouve alors totalement différente. Il est de bon augure de disposer d'un tel lieu, signe de quelque aisance. Aujourd'hui, chaque foyer dispose en général d'un living comprenant salle à manger et salon où il fait bon se retrouver chaque jour confortablement. Les temps ont changé!

Certaines familles avaient un abonnement quotidien à un journal, bien souvent « la Libre Belgique », journal catholique. C’était le cas chez mes oncles, où je m’empressais après l’école d’aller y lire la bande dessinée du jour « Andy et Bessy ».




Nous étions abonnés au magazine mensuel « Sélection du Reader’s digest ». Je me régalais de ses brefs récits attractifs et je collectionnais cette revue petit format dans une ancienne caisse de munitions d’obus placée au grenier.




Chez mes grands parents, il y avait une bibliothèque, armoire vitrée remplie de livres de lecture. Beaucoup de ceux-ci étaient à orientation religieuse. Il y avait aussi plusieurs livres d’Arthur Masson, des Toine Culot. Sans oublier quelques livres écrits par le chanoine Wilmotte (natif de cette ferme). La rubrique du Chanoine Wilmotte est accessible par : è  Chanoine Wilmotte

POEME DU PAYSAN

Le matin, tu te lèves aux aurores

A une heure où tout le monde dort

Pour soigner génisses, vaches et veaux

Qu’il tempête ou qu’il fasse beau

 

Tu vis dehors au rythme de la nature

Tu as la chance de respirer l’air pur

Ton travail change avec les saisons

Et tout n’est alors que variations

 

Vivant simplement et proche de la terre

Tu es bon vivant et sincère

Ton travail n’est souvent pas reconnu

Pourtant sans toi, nous serions dépourvus

 

Tes journées sont longues et fatigantes

Sans relâche tu sèmes, récoltes et plantes

Tes machines et ta ferme tu entretiens

Pour que ton travail puisse se faire bien

 

De tes bêtes tu prends grand soin

Tu les nourris de maïs et de foin

Tu les mets paître dehors quand il fait beau

Et quand il fait froid, elles sont au chaud

 

Tu es confronté aux voisins et citadins

Qui de ton travail ne comprenne rien

Il est toujours plus facile de critiquer

Que d’essayer de comprendre et d’encourager

 

Tu es souvent pris pour un moins que rien

Alors que sans toi, ils n’auraient rien

Ils s’en vont même à vouloir ta vie changer

Et le son des cloches vouloir faire cesser

 

Ton travail du dimanche n’est pas compris

Car ils s’en foutent que demain arrive la pluie

Mais de bonnes céréales et viandes ils attendent

Et tout cela sans faire d’efforts pour comprendre

 

Tu dois et peux être fier de ce que tu es

Du travail que tu accomplis et que tu fais

Personne n’a le droit de se sentir supérieur à toi

Mais devrait plutôt s’engager pour défendre tes droits

                               Myriam Edward à Palézieux


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